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07 May

La Commodore (prologue)

Publié par Magali Berthier  - Catégories :  #historique, #amour

PROLOGUE

10 juin 1895

Iles grecques, méditerranée.

- Dépêchez-vous bande de vauriens vous préférez périr ici peut-être !

Les matelots s’activaient sur le pont, sous les assauts des derniers pirates en vie. Les canons tonnaient, et faisaient vibrer tout l’équipage. Le commodore avait été touché au combat. Il fallait le sortir de là et sauver leur vie. Le commandant le savait pertinemment. Cet homme avait toujours été bon pour son équipage et l’heure était venue de faire de même avec lui. Ils l’avaient transporté à bord du Floromia alors que son sang se répandait sur le plancher du bateau ennemi et l’avaient installé dans sa cabine aux mains de sa fille anxieuse.

Le commodore avait toujours aimé sa fille mais désapprouvait fortement son comportement en société.

- Ma chérie tu es devenue une femme sublime et… tu vas me promettre une seule chose …

Le commodore avait de la peine à parler. Ses yeux vitreux n’avaient plus les paillettes dorées et pétillantes de ses pupilles châtaigne. Son visage ridé de fatigue n’avait plus l’éclat de la sagesse qui faisait de lui un homme profondément bon. Ses cheveux tachés ici et là de son sang n’étaient plus que le pâle reflet de sa chevelure noir jais qui faisait l’enthousiasme de sa fille. Même ses mains si grandes et si douces, qui autrefois caressaient les boucles indisciplinées de sa tendre descendance, se creusaient alors que sa vie s’en allait.

- Tout ce que vous voudrez, vous le savez bien je ne peux rien vous refuser !

- Tu vas rentrer en Angleterre chez ta tante. Et avec son aide tu te trouveras un homme bon et titré.

- Papa…

- Ne dis rien je n’ai plus beaucoup de temps…

- Mais vous ne pouvez…

- Si tu vas te marier ! Promets-le-moi ! je veux que quelqu’un veille sur toi mon cœur ! Tu me le promets ?

Avéra n’était guère intéressée par le mariage, elle en était même totalement dégoutée car ce serait la fin de sa liberté. Mais voyant son père aussi faible elle ne put répondre par la négative.

- Je ferais tout mon possible pour vous satisfaire.

- Je sais que c'est un terrible ultimatum pour toi mais je ne peux te laisser seule dans ce monde.

- Je ne suis pas seule, il y a tout l’équipage.

- Une jeune femme ne devrait pas côtoyer autant d’hommes à longueur de journée.

- Et il y a aussi tante Mary !

- Tu vas la rejoindre sans plus tarder. Je t’aime. Laisse-moi donc maintenant je dois parler avec le capitaine.

- Moi aussi je vous aime.

Avéra posa un baiser très léger sur le front de son père. Elle savait que le temps lui était compté. Elle se retira donc et fit un signe au capitaine l’invitant à rentrer voir le commodore. Ce qu’il fit avec diligence.

Avéra été une beauté sans nom. Avec des cheveux flamboyant et des yeux qui englobaient tout l’océan, la jeune femme au corps élancé avait un caractère bien trempé et une volonté de fer. D’aucun d’ailleurs ne l’approchait jamais qu’elle soit sous la protection de son père ou non. Lorsqu’elle était enfant elle se promenait en permanence en pantalon et courait sur le pont. Elle avait tout appris sur ce bateau, les termes nautiques, la valse, la météo, la cartographie, la lecture et l’écriture, les sciences, la philosophie, tout. Le commodore ne l’aurait jamais laissée sans éducation du fait de son haut rang. Voilà vingt ans que son père et elle naviguaient sur le Floromia. Elle avait cinq ans lorsque sa mère était morte suite à une terrible fièvre dans les Antilles. Deux mois plus tard son père, toujours en mer, était venu la chercher.

Le moment était venu de faire ce que l’on espérait d’elle. Un beau et intéressant mariage, une ribambelle de petits monstres et surtout de ne plus jamais prendre les commandes d’un équipage comme son père lui permettait souvent. Un réel plaisir, ironisa-t-elle.

Avéra se déplaçait sur le pont afin de calmer quelque peu son anxiété. Le visage tourné face au vent on aurait dit qu’elle le mettait au défi de la renverser. Les yeux rouges de la jeune femme en disaient long. Les joues rosies par la fraîcheur de la brise, des larmes de froid coulaient et brûlaient son visage. Qu’allait-elle devenir ? Une bonne petite comtesse bien comme il faut ? Avec tout un attirail de subterfuges que portaient les femmes pour plaire à la gent masculine ? Des parfums, des bijoux, des robes ? Mon Dieu elle ne décolérait pas ! Pourquoi avoir accepté cette comédie grotesque ? Soudain la porte s’ouvrit sur le commandant. Avéra rencontra son regard quelques instants. Puis il secoua la tête de gauche à droite. Le commodore n’était plus. La voyant, prête à s’évanouir il fit quelques pas vers elle pour la soutenir. Cependant en femme forte qu’elle était, elle n’aurait pour rien au monde perdu ses moyens et éclaté en larmes devant l’équipage au grand complet. Le commandant McAlister fut soulagé de la voir se reprendre. Il la conduisit sans mot jusqu’à son défunt père.

Maîtresse d’elle-même, elle se retourna vers le commandant James McAlister.

- Merci pour tout commandant ! puis-je savoir ce que vous comptez faire à présent ?

- A la demande de votre père nous navigueront jusqu’à Portsmouth où vous attend votre tante, lady Mary. Puis nous iront à Londres afin de connaitre les nouvelles instructions.

- Bien commandant.

- Je vous en prie appelez-moi James.

- Bien James. Je vous promets de rester tranquille le temps du voyage.

- Miss croyait en mes plus profondes condoléances, ainsi qu’en celles de tout l’équipage.

- Je vous remercie encore pour tout et maintenant je vais me retirer dans ma chambre si cela ne vous dérange pas.

- Faites-moi savoir si vous avez besoin de quelque chose, quoi que ce soit !

Elle ne pouvait pas rester plus, auquel cas elle fondrait littéralement en larmes. Elle prit une dernière fois la main de son père et y déposa un délicat baiser, puis se retira comme elle l’avait énoncé.

La Commodore (prologue)
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